Histoire d’ Escaudain

Par Francis DUPIRE

 

 

AVANT-PROPOS 

 

            Escaudain, comme d’autres cités de notre région, se transforme si rapidement, que les traces du temps ancien disparaissent une à une. Pour les faire revivre, il faut secouer la poussière des archives, ce qui ne manque pas de procurer la joie de connaître.

 

            Cédant aux instances de concitoyens désireux de partager cette joie, nous avons tenté de ressusciter le passé de notre village eu un petit ouvrage, que nous savons incomplet et au style télégraphique (cette plaquette est inspirée d’une plus importante monographie, du même auteur ; la présente brochure est datée de 1966).

 

            Pourtant, puissent-elles plaire à ceux qu’intéresse l’Histoire locale, les lignes suivantes, qu’ils devront avant tout à l’amour que nourrit un Escaudinois envers son vieux « clocher ».

 

            Sources principales : -     Archives départementales du Nord.

-         Archives du Service historique du Ministère de la D.N.

-         Bibliothèques de Valenciennes, Mons, Douai et Saint Amand

-         Archives municipales d’Escaudain et de Wallers.

-         Archives paroissiales d’Escaudain.

-         Archives notariales de Bouchain

-         Archives particulières de :

o       M le Chanoine Thelliez à Bouchain.

o       M. G. de Valicourt de Séranvillers, à Blécourt.

o       Mme Veuve Laude-Martin.

o       M. Jean Soleil.

o       M. Decroix, à Lille.

o       A. Tréca, à Douai.

 

 

UN LONG VOYAGE DANS LE PASSÉ 

 

            Il y a 40 à 50 millions d’années, notre pays était recouvert par la mer. À l’aube de l’époque quaternaire, soit il y a 500 000 à 1 million d’années, la mer se retira. Mais, le courant qui s’appellerait plus tard l’Escaut, avait creusé sa vallée. Celle-ci devait être tantôt approfondie, tantôt remblayée. Il en résulterait alors des terrasses alluviales. Précisément, Escaudain se trouve sur l’une de ces terrasses, dont le sol est constitué par des limons épais de 2 à 3 m, reposant sur de la craie blanche du sénonien inférieur. En se retirant, la mer laissa des galets. Nous en avons trouvé, aux formes bien lisses, aux lieux dits « La Couture » et  « Le Long-Sept » (entre les chemins d’Hélesmes et d’Haveluy).

 

            Le climat étant devenu chaud et humide, d’impénétrables forêts couvrirent le pays, cependant qu’auprès des marais bordant l’Escaut, vivaient hippopotames et rhinocéros. Puis, il se refroidit et les glaciers prirent une extension considérable : ce fut l’époque des mammouths.

 

            Après le retrait des derniers glaciers würmiens, au début du néolithique - il y a environ 12 000 ans - le climat se rapprocha de celui que nous connaissons et, alors, apparurent les cervidés, les ruminants, les prairies et surtout la culture du sol.

 

 

            Ce sol dut être conquis sur la Forêt Charbonnière, dont les bois de Wallers, Vicoigne et Raismes ne sont que d’infimes restes. Une hache en pierre polie, recueillie en 1924 sur notre territoire, attesterait la présence de l’homme à Escaudain, à l’époque néolithique.

 

GAULE CELTIQUE ET GAULE ROMAINE

 

            La région septentrionale de la Gaule celtique, envahie par les Cimbres au 2e siècle avant J-C, est une plaine humide, d’où émergent des forêts de hêtres, de chênes. L’Escaut déborde en mares croupissantes. Les Gaulois y pêchent ; la forêt leur fournit du gibier. Dans ce décor sauvage, surgissent quelques villages informes, composés de huttes en chaume ou en roseaux.

 

            Escaudain est à l’est du territoire des Atrébates, donc en Ostreban, appelé plus tard Ostrevant. En 57 avant J-C, les romains envahissent notre région après avoir gagné une bataille sur le Sabis, Sambre ou Selle. L’Ostrevant restera sous la domination romaine jusqu’aux environs de 430, les occupants ayant subi ou repoussé, durant ces quatre siècles, plusieurs invasions de Barbares.

 

            Notre village doit probablement sa première origine à cette occupation. Il a pu être, en effet, un petit castrum ou castellum soutenant, comme d’autres postes, la voie Bavay - Arras, qui passait à proximité de la place Gambetta. Du séjour des romains à Escaudain, il est resté des poteries variées, des tuiles trouvées en 1919 et 1957, etc. outre la voie Bavay - Arras, empruntée par saint Piat à la fin du 3e siècle, une seconde voie romaine allant d’Hermoniacum (environs de Bermerain) à Orchies aurait aussi traversé le territoire d ‘Escaudain.

 

LES FRANCS

 

            Après qu’Attila eût, en 451, ravagé la contrée et que Childéric, roi en 458, eût été chassé et rétabli tour à tour, Clovis commença à s’imposer. Il fit disparaître le roitelet franc de Cambrai et fut, dès lors, maître de la région.

 

            Après l’extinction d’un centre de vie gallo-romain, les Mérovingiens durent s’implanter en dehors - car, il est admis qu’ils procédèrent généralement ainsi - soit autour du lieu où s’élève l’Atelier de l’Hermitage, c’est-à-dire à Escaudenœl, qui fut ensuite un hameau d’Escaudain.

 

            Le souvenir des Mérovingiens fut en particulier ressuscité en 1956, à l’occasion de travaux de terrassement qui mirent au jour 6 ou 7 squelettes, qu’accompagnaient des débris d’armes et un vase funéraire. En 1962 , d’autres ossements étaient exhumés. C’est non loin de la jonction des rues Danton et Ch. Lehut que ces découvertes se sont situées.

 

            Le toponyme Escaudain est d’ailleurs d’origine franque. La désinence « ain » étant caractéristique de l’établissement plus ou moins massif des Francs. L’incontestable racine est Escaut. Et Escaudain se trouve être un nom marquant la position du village par rapport au fleuve. Latinisé, ce nom prit diverses formes, dont Scaldinium en 847, Scaldinio en 1065.

 

            En 575, après la mort de Sighebert, les Austrasiens lèvent le siège de Tournai et retournent vers le Rhin en parcourant la région. Au milieu du chaos, vers 604, Eligius (Saint Éloi) descend l’Escaut de bout en bout pour évangéliser. Puis, Pépin devient maire du Palais de Neustrie et d’Austrasie. En 760, l’Ostrevant est un pagus faisant partie du Comté d’Artois. Les voies romaines sont plus ou moins abandonnées. Escaudain ne présente, alors, qu’un amas de masures, où dominent le bois, la terre, le chaume, masures groupées autour de l’exploitation du maître. Celui-ci possède et habite une sorte de ferme-modèle avec large cour, entourée d’une palissade. Sur un côté, se dressent la chapelle et les bâtiments d’habitation, le tout surplombé par une tour de guet servant au besoin de refuge. Au fond, sont les annexes agricoles : étables, granges… Soit à peu près l’image transposée de l’ancienne Cense du Jardin public. Sur ce domaine vivent serfs, vilains ou manants, soumis aux droits seigneuriaux. Ils cultivent principalement la fève, soignent la basse-cour, entretiennent le colombier, élèvent les abeilles. Ils vont aussi pêcher dans l’Escaut ou dans le courant d’Hertaing - avec autorisation - c’est-à-dire dans les eaux qui limiteront le village au nord et au sud.

 

            A PARTIR DE 843

 

            En 843, l’Ostrevant est rattaché à la France. En 847, Charles le Chauve donne Escaudain aux religieux de Saint Amand. En 877, huit manses situés sur notre terroir sont attribués à l’Abbaye d’Hasnon. En   881, les Normands ravagent Denain et ses environs. Leurs raids précipitent la chute du régime carolingien et font naître la Féodalité. Après le passage des pirates, les habitants se resserreront autour de la ferme manoir fortifiée. En 951, les Hongrois désolent l’Ostrevant où Escaudain est désigné par Scaldinius. Henri II de Germanie incendie le dit Ostrevant, vers 1006, que la peste accable en 1008.

 

            En 1043, le comté est rattaché au Hainaut, lequel se réunit à la Flandre en 1051. L’Ostrevant est revendiqué comme relevant de l’Empire allemand, en 1069 : le Val d’Escaudain, ce pli de terrain entre le village et Denain, sert d’appui à cette thèse. Tous ces remous politiques n’empêchent pas nos aïeux  escaudinois de porter le foin du seigneur au manoir de la rue Paul Bert, les gerbes de blé à la Grange (entrepôt), d’aller au moulin de Neuville et au four banal du village pour avoir du pain.

 

            Parmi les possessions que Bauduin 1er donne, en 1065, à l’Abbaye d’Hasnon, figurent des biens sur Escaudain, tandis que vers 1090, le mal des ardents sévit chez nous et qu’un moine de cette Abbaye d’Hasnon souligne l’importance que revêt Escaudain pour l’Abbaye de Saint Amand.

 

L’ABBAYE DE SAINT AMAND ET ESCAUDAIN

 

            En 899, Charles le Simple confirmait aux religieux de Saint Amand la possession d’Escaudain, qui comprenait Saulx. C’est ainsi que, pendant longtemps, l’Abbaye exploita les terres d’Escaudain, grâce à une main d’œuvre salariée et corvéable à la fois, dirigée par un moine prévôt et encadrée de convers. La première exploitation de Saint Amand à Escaudain dut occuper l’emplacement où sont bâtis aujourd’hui la Coopérative l’Économie et quelques immeubles voisins.

 

            Dès le 11ème siècle probablement, il y eut à Escaudain une avouerie, que cite en particulier un document de 1162. L’avouerie était un office inféodé, dont le titulaire, l’avoué, chargé de défendre les intérêts de l’Abbaye, se montrait plus souvent l’adversaire de celle ci. Mais en 1276, l’Abbaye achetait à Mathieu dit Mengnerans, la seigneurie d’Escaudain, la gavène (taxe sur les maisons des laboureurs), l’avouerie, tous « droits » qui, possédés par l’avoué, étaient tenus en arrière fief de Gérard de Prouvy et Guy de Montigny. On sait à ce sujet que, depuis les temps carolingiens, le caractère des biens était de dépendre de plusieurs maîtres à la fois, liés par contrat.

 

            Éliminé, l’avoué, il restait un obstacle qui entravait la liberté de l’Abbaye à Escaudain, le mayeur héréditaire - le villicus - dont la charge existait au moins depuis la fin du 11ème siècle. Ce mayeur avait hérité des droits et pouvoirs de l’avoué. Sa charge consistait en un fief liège tenu paradoxalement de l’Abbaye elle même : la Mairie. Elle avait fait du maire le propriétaire de biens considérables. Au 14ème siècle, par exemple, les Beaufort possédaient le manoir d’Escaudain (au jardin public), le four à ban, une pêcherie dans l’Escaut, le bois de la Loge et la moitié du bois de Saint Amand à Hornaing, plus de 80 ha de terres labourables, des prés, des rentes, etc.  En 1365, l’Abbaye acquérait donc la Mairie d’Escaudain. Désormais, elle désignerait les maires, choisis parmi ses fermiers. Car au 14ème siècle, l’Abbaye abandonnait le faire valoir direct pour confier sa curtis (grosse exploitation agricole) à Cens.

 

            Comme en 1097, Lambert, évêque d’Arras, avait donné l’autel - et la dîme - du village aux religieux, l’Abbaye de Saint Amand, après l’éviction de l’avoué et du maire héréditaire, présiderait en grand seigneur aux destinées d’Escaudain pendant plus de quatre siècles.

 

AUTRES REGARDS SUR LE MOYEN AGE

 

            Escaudain-en-Ostrevant, comme le reste du Comté, ne sut guère de qui il était tenu avant le 13ème siècle. Et il eut à souffrir de l’imbroglio à plusieurs reprises, notamment en 1102, lorsqu’il fut mis à sac par Henri IV d’Allemagne.

 

            En 1096, Hubert, mayeur d’Escaudain, participait au tournois d’Anchin (Pecquencourt). C’était le temps où le Comte d’Ostrevant, Anselme II, luttait contre l’Abbaye de Saint Amand. En particulier, il voulait obliger notre village abbatial à faire moudre le grain à Bouchain, au lieu de Neuville. Ici, il interdisait la traversée de l’Escaut, où aboutissait le vieux chemin d’Escaudain plus tard nommé « chemin des Vaches », devenu rue Paul Bert. Mais, Anselme dut faire amende honorable et Escaudain ne vit pas s’interrompre le transport du vin que, depuis Barisis (Aisne), l’Abbaye amenait jusqu’au Courant d’Hertaing. C’est aussi par ce courant, dont la source actuelle se trouve à l’entrée de Wallers, qu’étaient dirigés, sur Saint Amand, les vivres venant d’Escaudain.

 

            En 1107, Paschal II confirmait, à Saint Amand, la possession d’Escaudain, geste que renouvelait Calixte II en 1119. En ce 12ème siècle, les Bauduin d’Escaudain, mayeurs, étaient souvent cités comme pairs dans les actes importants. Ainsi, en 1162, 1174, 1184, époque où s’inscrivaient une longue épidémie et la famine (1179), un nouvel incendie d’Escaudain (1184), les bizarreries de l’an 1186 où les arbres fleurissaient en décembre, le terrible cyclone de 1187.

 

            Après la querelle des d’Avesnes et des Dampierre, l’Ostrevant était attribué à la Flandre en 1256, mais restitué en 1257 au Hainaut, dont il ne cesserait de faire partie jusqu’en 1428. Toutefois, en 1290, dans l’Ostrevant « prêté » par Jean II d’Avesnes à Philippe le bel, le roi n’avait que la garde des églises et abbayes. Et, en 1294, deux clercs du roi Philippe déclaraient avoir convoqué le comte Jean à Bouchain et qu’après avoir entendu les griefs dont il se plaignait contre les gardiens des églises, il avait prononcé : « Le prisonnier fait à Escaudaing dans la maison de Gérard par les gardiens d’Hasnon et Saint-Amand sera rendu comme ayant été pris au préjudice de la souveraineté du comte et de la justice du dit Gérard ». Gérard était l’un des mayeurs qu’Escaudain connut au 13ème siècle durant lequel Walter, Dant Augustin, Jehans de Biaufort exercèrent la même fonction.

 

            En 1246, un privilège rappelait les possessions de l’Abbaye de Saint-Amand à Escaudain, en parti-culier une grande curtis, avec l’église, l’exploitation elle-même, la demeure du maître. L’évêque d’Arras visitait les moines de cette curtis en 1267, 1275, cependant que l’archevêque de Reims l’eût précédé en 1259.

 

            En 1264, on délimitait les paroisses de Scaudaing et de Sauch et l’acte révélait les noms de quelques lieux dits : le Hamel (vers Saint-Mark), le Montel (vers Wallers), le Markisons (vers Denain). La même année, mourait Henri, escaudinois et Abbé de Saint-Amand. Un autre escaudinois, Nicolas, serait Supérieur de Saint-Amand de 1410 à 1416.

 

            En 1291, était rédigé à Escaudain, au lieu « ou on tient les plais communément » un acte important consacrant un nouveau régime d’exploitation des terres abbatiales. Le document mentionnait les noms des échevins locaux : Jehans de Bouchignuel, Thomas Quarious, Gille Gillake, Amourris Moures, Willaume li Cousturiers, Jehans li Richer, Grars de Sauch. Il désignait aussi quelques terres : les Camps Potier, dou Viler, Rolet, Curriach. C’est à cette époque que les valenciennois exerçaient, à Escaudain, l’abattis de maisons.

 

            En 1297, l’Ostrevant était enfin reconnu de France. Dès 1315, et pendant plus de trente ans, il serait parcouru par des bandes de malfaiteurs : les Ribauds ou Pastoureaux. En 1328, le Hainaut, duquel relevait Escaudain, s’alliait à l’Angleterre tandis que la Flandre prenait le parti de la France. Bouchain, en 1340, était confiée aux Conrad, chevaliers allemands, chargés de la défendre envers Philippe de Valois. Contre eux, Louis de Savoie sortait de Douai avec 300 lances et ravageait Escaudain, parmi plusieurs villages.

 

            En 1349, la peste noire accablait nos populations. En 1350 , Escaudain aurait reçu la visite de la mère de Froissart, venue signer un acte de donation, en présence du mayeur et du curé d’Escaudain : J. Brokete et Fournet. En 1372, le sire de Mastaing cédait à l’Abbaye de Saint-Amand, des terres ahannables sises à Escaudain, un bois situé à Hornaing, qu’il avait acquis d’Henri de Beaufort. Ainsi, ce qui restait de l’ancien fief « le mairie d’Escaudaing » allait grossir le patrimoine de l’Abbaye. En 1393, le mayeur s’appelait Jehan Legier. Ce serait Degore en 1422.

 

            Après être passé à la Maison de Bavière, l’Ostrevant était réuni au Hainaut, pour faire partie des domaines du Duc de Bourgogne en 1436.

 

DU XVème SIÈCLE AU RETOUR À LA FRANCE

 

            En 1477,Louis XI se trouvait aux portes d’Escaudain : Saulx était témoin des combats entre les troupes du roi de France et celles de Maximilien d’Autriche. Escaudain tombait aux mains des François, pour un moment. Au printemps 1478, notre village était mis à sac par les soldats de Louis XI, qui reviendraient encore, vers Noël 1479, piller les maisons et l’église. En 1482, la Flandre et le Haynaut allaient à la maison d’Autriche. En 1516, le pays passait à l’Espagne, dont la domination fut très supportable. En octobre 1521, François 1er  franchissait l’Escaut et ses troupes venaient incendier Escaudain. La « rue du Prince » à Saulx immortalisa longtemps le passage victorieux du fleuve.

 

            Après la peste en 1519, le terrible hiver de 1523, la région était désolée par les luttes entre les Français et les Impériaux. Puis en 1566 et 1572, les églises étaient pillés par les Réformés qui, alliés à des patriotes, allaient lutter contre l’Espagne. Le pays se soulevait, Bouchain était prise par les Français qui répandaient la terreur dans les villages environnants. La mort de Philippe II entraînait un calme relatif de 30 ans, au cours duquel l’Ostrevant, dévasté, se relevait. Mais, dès 1635, revenaient gens de guerre, charrois, réquisitions…

 

            Enfin, en 1676, Louis XIV prenait Bouchain : la plaine au sud d’Escaudain était le lieu de meurtriers combats. Nimègue, en 1678, confirmerait la possession de l’Ostrevant par la France. Il est bon d’ajouter que, durant les deux siècles de domination austro-espagnole, l’esprit, la langue, les coutumes étaient restés bien français. Mais le retour de notre région à la France ne signifiait point le recouvrement de la tranquillité. La Guerre de la Ligue d’Ausbourg renouvelait le passage ou l’hébergement de troupes en campagne. Ainsi, en mai 1692, le régiment de Nassau…

 

ESCAUDAIN EN 1665

 

            Outre l’église, le presbytère et la grande « Cense à l’Abbaye de Saint-Amand » (au jardin public), le village groupait, autour de la place, 115 « masnoirs » et comptait plus de 500 habitants. La voie d’Haveluy était la plus peuplée. Le flègart - chemin herbeux menant à l’église - était bordé de six demeures. D’impor-tantes fermes, tenues de l’Abbaye, se trouvaient à l’extrémité de la rue F. Joly et sur la place. De l’une d’elles, qui s’étendait jusqu’à l’entrée de la rue Jean Jaurès, subsiste la porte charretière, surmontée d’un pigeonnier, construite en 1664. (coopérative).

 

            Dans la rue Victor Hugo, il y avait un gué (abreuvoir) et un masnoir de deux mencaudées appartenant à « l’Hospital », ancienne institution charitable du Béguinage Sainte Élisabeth de Valenciennes (à la librairie Delforge). Au bout du chemin d’Haveluy, on trouvait une marlière, précédée d’un « mollin à wedde », plante tinctoriale, aux environs de l’actuel passage à niveau.

 

            Le village était entouré par une ceinture de haies qui, vue de loin, en faisait comme une bastide. Un chemin partait du cimetière de l’église, coupait la rue Paul Bert pour se diriger droit vers Saulx. La « plache de la Justice » tenait à Abscon. Le Jardin des Archers était sis rue Paul Bert, avant le carrefour. Le hameau d’Escaudenœl, limité par les chemins d’Abscon , d’Erre et d’Abscon à Erre, était relié à l’église par la pied-sente d’Abscon. De nombreuses enclaves d’Escaudain existaient dans les terroirs voisins. Le bois de Saint Amand à Hornaing, de même que celui de la Loge relevaient de notre village. Les vaches allaient paître au marais commun, le long de l’Escaut.

 

            Trois rues étaient proprement nommées : Verde rue (Barbès), rue du Sacq (Denfert-Rochereau), rue Lange (Voltaire). La Verde rue mérite une exégèse. On sait, en effet, qu’autrefois les assemblées populaires convoquées par le Magistrat (ensemble des échevins) se tenaient au cimetière pour les affaires de paroisse ou sur un chemin portant le nom de « Verde rue », grün weg allemand, pour les affaires graves. Les bois de Justice étaient ordinairement installés au nord du village. Et, en fait, les rues Barbès et Blanqui menaient au Chemin vert - longtemps appelé chemin du Supplice - dont la source se situe encore au pied de la fosse d’Audiffret. Par la suite, les lieux de justice furent déplacés. Ils occupèrent un terrain un peu au-delà de la Cité Marcilly, en face duquel débouchait le « sentier de la justice » réunissant les lieux patibulaires à l’église… Quant aux ruelles, celle d’Hélesmes (Gambetta) et Corbau (rue Marceau) existaient déjà.

 

            Parmi les noms de terres et de personnes cités en 1665 on retiendra pour les premiers, Bonneuil (Bonnuet), les Pellenne (les Plans), le Mouchon cousture vers Hornaing et, pour les seconds, Arnould, Bridoux, Bisiau, Baralle, Carpentier, Collié, Coton, Deleau, Dewanbrechies, Dufour, Dehennin, Duhen, Dupont, Delille, Desprès, Delacroix, Delattre, Desfontaines, Fiévet, Fontaine, Flameng, Griffon, Guislain, Herniquet, Joly, Jonas, Lévêque, Lalleman, Leclercq, Lacman, Liénart, Moné, Mio, Mollin, Marisal, Macaré, Mahieu, Nortier, Ponlain, Quiquenpoix, Rémy, Sénéchal,..

 

LA PAROISSE

 

            Les églises Saint-Martin pourraient avoir été fondées, après 668, par Saint Éloi qui évangélisa la région. S’il est malaisé de dater la fondation de celle ci, on peut lui reconnaître, néanmoins, une grande antiquité. On peut aussi penser qu’elle dérive de la conversion de la chapelle privée seigneuriale (au jardin public) avant la fin du 9ème siècle.

 

            En tout cas, lorsqu’en 1097, l’évêque d’Arras concéda l’autel d’Escaudain à l’Abbaye de Saint-Amand, celle ci tenait déjà le dit autel en personnat, c’est-à-dire qu’elle tolérait l’existence d’un desservant, qu’elle n’avait pas désigné, mais qu’elle présenterait désormais et auquel elle accorderait la portion congrue. Il est même probable qu’après le rachat de l’avouerie et da la Mairie en 1276 et 1366, l’Abbaye prit à son compte la construction d’une nouvelle église publique. Cependant que dès 1188, un oratoire dans la « grange » abbatiale (à l’actuelle ferme Obin, sur la Place) était ouvert à l’intention des religieux et des travailleurs de l’exploitation.

 

            Toujours est-il qu’à la fin du 15ème siècle, l’édification de la Tour devait être commencée pour se terminer vers 1540. Ce beau fleuron architectural, établi sur quatre arches et dont les angles sont soutenus par deux contreforts, fut restauré plusieurs fois, en particulier en 1662, 1855 et, près de nous, en 1954 et 1964. La Tour servit, à l’origine, au guet. Elle constitue aussi une forteresse, qu’entourait un cimetière protégé, où se réfugièrent nos gens, durant les guerres et les troubles, qui désolèrent notre contrée jusqu’au 18ème siècle. En 1647, « le pasteur et les gens de loy d’Escaudain » demandaient même à l’Abbé de Saint-Amand, pour préserver l’église et le clocher « du péril du feu » d’éloigner le fort, source de danger. La balustrade originelle de la Tour fut remplacée à la fin du 18ème siècle. Sa suivante était encore visible avant 1918. La balustrade en pierre n’est plus, mais une horloge publique s ‘est ajoutée, à la Tour, en 1883, que complète, depuis 1950, un éclairage électrique.

 

            C’est en 1632 que l’église actuelle fut bâtie et accolée à la Tour, où furent alors apportés des détails sculpturaux. L’ église présentait trois seuls piliers et un petit chœur, qu’on réparait déjà en 1665. Elle fut agrandie en 1783, en même temps qu’on construisait le presbytère, et en 1867 de deux arcades plus transept et chœur. Mais ces agrandissements sans méthode donnent à l’ensemble quelque disparité. Le portail a comporté deux niches avec statues. À l’intérieur, la chaire, les confessionnaux et des boiseries, production du 16ème siècle, proviennent sans doute d’abbayes voisines détruites. Les fonts baptismaux représenteraient ce qui reste d’une des premières églises. La flèche est de 1626-1670. Avant  la Révolution, il y avait trois cloches. Au-dessus du porche, la fenêtre profondément ouverte dans la masse rappelle la « bretèque » d’où, autrefois, le mayeur proclamait les nouvelles intéressant la vie de la communauté. L’église fut même un lieu de sépulture pour les notables, jusque vers les années 1770. Le cimetière actuel fut inauguré en 1882.

 

            La paroisse d’Escaudain fit partie, à l’origine, de l’archidiaconé de l’Ostrevant et du diocèse d’Arras, auquel elle appartint jusqu’à la fin de la Révolution.

 

 

 

 

 

LA GUERRE DE SUCCESSION D’ESPAGNE

 

            À la fin du règne de Louis XIV, la France est envahie par les Coalisés. En 1709, année du terrible hiver, des troupes hollando-anglaises sont concentrées à Denain. Peu de temps avant leur arrivée, une partie d’Escaudain (Quart de six heures) avait servi de campement à la cavalerie française. En 1711, la région, occupée par les troupes des deux partis, est rançonnée, pillée. Bouchain est prise le 13 septembre : du 15 septembre au 20 octobre, les Alliés campent aux environs, en particulier à Escaudain. La plupart des arbres sont abattus pour servir à la construction du « Chemin de Paris », chemin creux bordé de palissades et garni de redoutes qui, passant au nord du village, reliait Marchiennes à Denain. En avril-mai 1712, Escaudain est traversé, à différentes reprises, par les Alliés se rendant à Neuville. La lutte est proche.

 

            Un jour, la cavalerie du Comte de Broglie débouche au galop dans la plaine d’Escaudain, aborde le « Chemin de Paris » à proximité du lieu dit actuel La Couture, y trouve un convoi de quelques 500 chariots chargés de pain, de munitions et escortés d’un millier d’hommes, cavaliers et fantassins. L’escorte est dispersée, le convoi saisi. Marchiennes est coupée de Denain. Villars, à la tête de la Brigade de Navarre, suit de Broglie. Des dizaines de milliers de soldats sont répandus dans le giron du clocher d’Escaudain. Ils avancent vers la ligne fortifiée et s’y engagent à leur tour.

 

            Peut-on dire que, dès cet instant, sur le sol escaudinois, se trouve inscrite en puissance la victoire de Denain ? Puis, c’est l’assaut du camp. Et vient la victoire, qui sauve la France. Cela se passait le dimanche 24 juillet 1712. Après Denain, des soldats des régiments d’Aunis et du Bavarois cantonnèrent à Escaudain. Ils participèrent au siège de Bouchain, reconquise le 19 octobre.

 

ESCAUDAIN RACONTÉ PAR LES REGISTRES DE CATHOLICITÉ DE 1718 À 1789, ET D’AUTRES DOCUMENTS   

 

            Le village compte plusieurs cabarets-auberges, un sergeant (garde), une sage-femme jurée, un collecteur (percepteur). Des métiers disparus, on retiendra ceux de batteur en grange, de muletier, de couvreur en paille, de tondelier, de bourrier, de tendeur à cailles, de chasseur de moutons, de faiseur de bas au métier.

 

            On se sert d’allumettes en chanvre, qu’on allume au foyer. On s’éclaire au « crachet », on brûle l’huile de colza. La pomme de terre n’est pas encore cultivée. En 1740, la famine règne, consécutive à un très rude hiver. Vers 1750, éclate une épidémie due, dit-on, à la canalisation de l’Escaut. Vers 1765, une brigade de cavaliers (maréchaussée) avec brigadier, sous-brigadier, réside à Escaudain. Elle y demeurera jusqu’à la Révolution.

 

            Les tisserands sont nombreux. Le médecin manque : en attendant l’arrivée de Bernier en 1790, on fait appel aux « chirurgiens » d’Abscon et d’Hornaing. À la grande Ferme, on peut admirer un pinsonnier avec de multiples loges. Une brasserie fonctionne. Des chasse-manée et mouleurs de farine travaillent pour le Moulin d’Escaudain (au bord de l’Escaut). Plusieurs vitriers suisses, un colporteur d’origine normande sont installés au village, qui abrite encore un arpenteur juré et la masse des travailleurs de la terre.

 

            Autour des grandes fermes se meuvent les laboureurs (cultivateurs moyens), les ménagers (petits propriétaires), les manouvriers. La plupart des cultivateurs n’ont point de chevaux. On cultive le blé, le soucrion, la pamelle, les pois, … De juin à septembre, trois grands troupeaux de moutons vivent aux champs, sous la houlette des bergers, gens considérés. Jusqu’aux alentours de 1774, le guetteur allume, le cas échéant, le fanal du clocher. En 1779 et 1781, soufflent sur Escaudain et la région, de dévastateurs ouragans.

 

            Les mendiants sont nombreux, organisés en bandes de trois ou quatre. Un marchand de tabac et de sel est désigné. Le maréchal-ferrant est aussi vétérinaire. Seul, le chemin de Douai à Valenciennes est partiel-lement pavé. Des waréchaix s’étendent rue Paul Bert, Victor Hugo, Ledru-Rollin. Le village n’est pas bien délimité : plus de 180 mencaudées sont imposées au dehors. Les mulots pullulent.

 

            En 1788, le mauvais temps entraîne la disette. Et, dès mars-avril 1789, le mécontentement populaire se fait jour. En juin 1789, les paysans d’Escaudain prennent une digue élevée à travers le marais commun (entre Escaudain, Lourches, Neuville, Rœulx).  Vers le 19 juillet, la prise de la Bastille est connue.

 

            Escaudain groupe alors environ 700 habitants, dont certains portent les noms de Moreau, Largillier, Germain, Laude, Bauduin, Bourez, Dubois, Kinnivet, Drut, Louvion, Vastra, .

 

TERRITOIRE ET TERROIR

  

            Au début du 9ème siècle, notre village accusait déjà, en tant que groupement rural, quelque ancienneté. Les chemins de Douai à Valenciennes et de Saint Amand à Neuville le traversaient. Une villa (exploitation agricole) en constituait le pôle. Puis, cette villa carolingienne se transforma, se divisa en manses (unités d’environ 14 hectares). Mais, le fonds carolingien subsista, qui deviendrait probablement la curtis (de quelque 325 hectares) de Saint Amand.

 

            Quoi qu’il en soit, en 847, Escaudain et Saulx étaient compris dans la mense conventuelle (patrimoine des moines) gérée par un prévôt. Cette distinction serait moins rigide vers le 12ème siècle, la mense abbatiale (celle de l’Abbé) et la conventuelle s’interpénétrant. En tout cas, des moines ouvriers séjournèrent à Escaudain et, en 1246, la grande curtis, avec l’église, l’exploitation, la demeure du maître, provenait sans doute de la mense conventuelle. Auparavant, vers le 12ème siècle, des parts prélevées sur la réserve seigneuriale avaient été distribuées à des censitaires (soumis au cens).

 

            C’est vraisemblablement à la fin du 13ème siècle, qu ‘à l’exploitation directe par l’Abbaye se substitua la « court » louée à un censier. Les premiers baux connus ne sont toutefois que du 16ème siècle, époque où la court d’Escaudain comporte environ 300 hectares, cependant que l’Argenterie (service de l’Abbaye qui recueille les deniers publics) exploite une cense de 35 hectares. Le cens était ordinairement payé à la Saint Rémy.

 

            Gravitant autour de la court, censives, fiefs, alleux représentaient diverses formes de possession de la terre. À l’origine, le fief, de caractère noble, fut une concession gratuite contre service de guerre et de plaid, mais dès le 12ème siècle, les fiefs tenus de Saint Amand se trouvèrent aussi affectés d’une redevance. On en compta plusieurs à Escaudain consistant en terres et même en droits, tel que terrage. L’alleu était terre franche de toute servitude.

 

            Outre la réserve (la court), les censives, la Seigneurie de Saint Amand à Escaudain comprenait encore un marais et un waréchaix, qu’évoque une « Charte » de 1459. cette charte édicte, entre autres mesures de police, les précautions à prendre à l’égard des cheminées, l’interdiction de jouer aux dés, l’obligation de tenir, devant sa porte, un récipient rempli d’eau, de faire usage d’un baril-étalon et de balances déposés à la maison du mayeur ..

 

            En 1372, G. de Jauche-Mastaing cédait à l’Abbaye des terres et 48 bonniers de bois à Hornaing (Bois de la Loge), qu’il avait acquis de Henri de Beaufort. Saint Amand reconstituait ainsi, à son profit, l’ancien fief de la Mairie d’Escaudain. Mais, d’autre part, aux 13ème et 14ème siècles, l’Abbaye fut contrainte de morceler son domaine. De telle sorte que si, au 17ème siècle, la majeure partie des terres lui appartenait toujours, de petites seigneuries (où l’Abbé possédait les droits de justice) se partageaient, avec d’autres abbayes, des églises et cures, une fraction de notre terroir. Le reste (terres roturières) était aux mains des habitants.

 

            Alors, les quatre grands fermiers étaient établis rue de Neuville, rue de Mastaing, sur la Place. Les Petit (à Escaudain, vers 1628) en furent. Ils étaient apparentés aux Norman, lesquels l’étaient aux Vairet (vers 1650). Aux Norman succédèrent, en partie par le jeu des alliances, Desfontaines, puis les Tréca (1748). Avec Ildephonse Tréca, disparurent les Fermiers de Saint Amand. Toutefois, après la révolution, de grosses fermes étaient encore dirigées par les Tréca, remplacés en 1851, par la famille Cartigny. Ajoutons qu’avant 1789, en dehors des censiers de l’Abbaye, il y avait quelques exploitants importants, dont les Cachera.

 

            On peut dire qu’au 17ème siècle, 400 hectares environ étaient cultivés au bénéfice de Saint Amand, dont une quinzaine de grandes terres allant de 8 à 24 hectares. Les petites seigneuries monopolisaient une centaine d’hectares : celle du Mur, de Prémont, de Selle, de Warlaing, de Rame, d’Azencourt, ..Mises à part l’Abbaye de Saint Amand, l’église et la cure d’Escaudain, l’ensemble des possessions ecclésiastiques s’élevait approximativement à 140 hectares , où s’inscrivaient notamment le Béguinage de Valenciennes, les Abbayes de Fontenelle, d’Anchin, de Marchiennes, de Flines, de Denain. Les parcelles paysannes totalisaient moins d’une centaine d’hectares. Si bien que sur 1 060 hectares de terres labourables, un peu plus de la moitié relevait de Saint Amand (terres possédées ou concédées par l’Abbaye). Exception faite de ses propres terres, l’Abbaye percevait, sur la plupart des autres, la dîme et le terrage. Avant 1291 en effet, les terres d’Escaudain devaient fournir la troisième gerbe. Puis elles furent soumises à la dîme (huit gerbes du cent) et  au terrage (quatre gerbes sur cent). Après le faire-valoir direct, la dîme fut confiée à un censier, à ferme : les gerbes allaient dans la Grange (jardin public).

 

            Au 17ème siècle, notre territoire couvrait plus de 1 200 hectares. Il poussait des antennes jusqu’à Hornaing. Il essaimait des enclaves dans les terroirs voisins. Une quinzaine de chemins et sentiers en permettaient la mise en valeur. Mais ce n’est qu’en 1710 qu’il eut son moulin, élevé presque en face du cimetière actuel, par les soins de l’Abbaye. Il a disparu. Mais, avec l’église et le presbytère, subsistent de la longue période où l’Abbaye de Saint Amand exerça sa tutelle sue Escaudain : la ferme dite de M. Émile, la partie ancienne de l’Hôtel de Ville (1771), la maison de la Coopérative l’Économique (1758) où mourut l’Abbé d’Hasnon, Dom Lernould, en 1785, quelques immeubles voisins de l’Hôtel des postes, des souterrains, tel celui qu’on trouve sous l’habitation de M. Maurice Sauvage, dont l’origine, cependant, est incertaine, quelques pierres marquant les limites du terroir, ..

 

            Comment se présentait la vie rurale autrefois ? D’abord, jusqu’au 18ème siècle, on laissa la terre se reposer une année sur deux ou trois. La vaine pâture permettait aux habitants de faire paître leurs troupeaux, après la moisson. Longtemps, la fiente de mouton constitua la fumure la plus recherchée. Vers 1750, on cultiva trèfle, sainfoin et luzerne. Dans les petites fermes, la brique et la tuile étaient à peu près méconnues. Les bergers étaient bien rétribués.

 

            La Révolution bouleversa la structure agraire du village. Après la délimitation de 1806-1810, qui lui enlevait les bois de Saint Amand et de la Loge, des terrains au nord et diverses enclaves, le territoire d’Escaudain, en 1810, correspondait à peu près aux 762 parcelles de terre labourable et 127 unités agricoles (habitation et terres) du 17ème siècle. En 1810, on attribuait au village environ 1 531 parcelles, dont 210 pour l’agglomération. La Révolution accentua donc la division du terroir en augmentant de 70 % le nombre de parcelles. Des terres donnèrent naissance à de petites parcelles, d’autres restèrent intactes, plusieurs firent l’objet de regroupement : ce qu’explique l’influence, qu’ont exercée sur la vente des Biens nationaux, la réaction des paysans, la promulgation et l’abrogation successives des lois régissant cette vente, le mode d’adjudication, la spéculation. Les grandes terres de l’Abbaye - celles qui formaient le principal des grosses fermes - furent peu atteintes par le démembrement. Celui-ci affecta plutôt les terres moins importantes des établissements religieux voisins, au profit des cultivateurs moyens. Les biens des cures, fabriques et pauvres, faits surtout de petites terres, échurent en général aux paysans. Des 518 hectares 9 vendus nationalement, ces paysans en avaient acquis environ 95 hectares contre 423 hectares passés aux bourgeois roturiers. Et quand , au début du Premier Empire, Escaudain couvrait 1 023 hectares, les fermes qui autrefois exploitaient plus de 40 hectares, avaient cédé la place à d’autres, plus nombreuses de 10 à 40 hectares.

 

            La confrontation des structures agraires du village en 1810 et 1851 aboutit à cette large conclusion : après la Révolution, en dehors de l’agglomération comptant quelque 210 parcelles sous forme de jardins ou champs,  le terroir proprement dit se trouvait compartimenté en 1 321 pièces. En 1851, le nombre de parts était de 1 349 : la transformation du terroir n’avait donc guère varié. Par contre, le centre du village qui, en 1810, avec 150 maisons et une soixantaine de bâtiments ruraux, comportait environ 400 numéros cadastraux, devait en accuser 727 en 1851. C’est qu’entre 1810 et 1851, le nombre de maisons s’était élevé à 323, avaient été comblées les cases vides de l’aire habitée, crées les corons Saint-Mark et Jennings, allongées les rues Danton, Jaurès, Desmoulins et qu’Escaudain réunissait 2 028 habitants contre 900 en 1810. et la surface des propriétés bâties de 5,16 hectares en 1810 montait à 7 hectares en 1832 et 9 hectares en 1851.Cependant que celle des terres labourables commençait à s’amenuiser, puisque de 982 hectares en 1830, elle descendait à 957,67 hectares en 1851….

 

            Le morcellement du terroir allait s’amplifier sous le Second Empire et la Troisième République. De  1 349 parcelles de terres en 1851, on se haussait à environ 2 000 à la veille de la guerre 1939, avec 4 921 numéros parcellaires pour l’ensemble de la ville, dont environ 2 900 habitations. Depuis 1940, l’évolution de la texture cadastrale d’Escaudain ne s’est pas ralentie. Quant au territoire, de ses quelque 1 225 hectares d’avant 1789, il faut déduire 133,50 hectares occupés alors par les Bois de Saint Amand et de la Loge, 98 hectares représentent les « enclaves », pour connaître sa superficie après la Révolution, soit environ 994 hectares, plus l’ancien marais commun de 47 hectares attribué à Escaudain, c’est-à-dire 1 041 hectares. Mais, en  1843, Escaudain abandonnait à Lourches 89,72 hectares situés au sud de la Cité Schneider et recevait, en échange, 72,37 hectares, où sont installés les hauts fourneaux et la Cité des Forges. La superficie de notre village se ramenait donc à un peu plus de 1 023 hectares nombre valable encore en 1951. Actuellement,  Escaudain s’étendrait sur 997 hectares, 11 ares, 53 centiares, dont quelque 350 hectares cultivés (150 en blé, 90 en betteraves, 30 en pommes de terre). Des lieux dits  sont toujours évocateurs d’un lointain passé : Bonnuel, Hameau, La Justice, Le Chemin Vert, une série de toponymes à valeur agraire, dont les Six Mariannes, à l’origine, les six mencaudées à Marianne. Le quart de six heures est nom plus récent : il vient de l’enseigne d’un estaminet du début du siècle.  

 

SOUS LA RÉVOLUTION - La Constituante - La Législative - La Convention

 

            Le 31 mars 1789, les Escaudinois s’assemblent pour élire deux délégués chargés de rédiger les cahiers de doléances. Ces délégués se joignent peu après, à Bouchain, à ceux des autres villages de la Châtellenie. En novembre, les biens de l’Église sont confisqués. En février 1790, une nouvelle municipalité est élue. Elle comprend un procureur de la commune, un secrétaire-greffier, six officiers municipaux, des notables ; Ildephonse Tréca reste maire, mais les élections de novembre 1790 le chasseront du pouvoir.

 

            En 1791, l’Abbé Milot, réfractaire, est remplacé par Verniolle, curé constitutionnel. La municipalité nomme Ch. E Consil clerc-instituteur. Il enseignera un moment au presbytère, après la vente des biens nationaux, commencée à Escaudain le 22 août 1791. Les assemblées électorales se tiennent dans l’église. Après le 20 septembre 1792, le pouvoir d’état civil passe aux communes. En novembre, des élections désignent Ph. Villette comme maire. Il a pour collaborateurs actifs : P.G. Caulier , J. Caulier, Consil, Verniolle secrétaire-greffier, P.J. Dupont, Ph. Bisiau. Les « patriotes » triomphent : on plante un arbre de la Liberté (place Condorcet).

 

            Le 7 avril 1793, les troupes françaises sont dans la région. Le 23, elles se replient. En mai, Escaudain est occupé par les Autrichiens. Ils y resteront jusqu’en août 1794. Verniolle s’enfuit, la municipalité jacobine aussi et encore les acquéreurs de biens nationaux. C’est l’exode. L’Abbé Milot reparaît du 11 mai 1793 au 18 juin 1794, puis il émigre. L’arbre de la Liberté est abattu. Le drapeau jaune et noir avec Aigle double d’Autriche flotte au clocher, au presbytère. Mais, les réquisitions vont se succéder et les haines se déchaîner. C’est l’imbroglio.

 

            En avril 1794, des engagements ont lieu entre troupes autrichiennes et françaises, vers Bouchain. En août, la région rentre aux mains des Français. À l’approche de ceux-ci, les « compromis » ont fui : nouvel exode. Leurs maisons sont pillées. L’église est fermée. Les représailles exercent leurs ravages. On réquisitionne les cloches, l’argenterie de l’église, le cuivre, ailleurs. Les « patriotes » reviennent, mais dès février-mars 1795, ils perdent leur influence. Les journées de germinal-prairial les chassent, d’ailleurs, des administrations. Le 20 juillet 1795, le représentant du peuple en mission met 18 Escaudinois en réquisition, pour constituer une autre municipalité avec J.B. Desmons comme maire. Cependant, le 13 fructidor (5 septembre), l’Administrateur du District vient en la maison commune d’Escaudain, y réunit le conseil général, qui s’oppose à cette installation : Villette conserve ses fonctions.

 

            La matrice de l’emprunt forcé de novembre 1795 révèle qu’il y a alors, à Escaudain, 128 contribuables : 32 sont imposables, désignés - semble t-il - avec peu de discernement. La matrice fixe, d’autre part, le capital représenté par les biens acquis depuis la Révolution. P.J. Tréca avait acheté la ferme (au jardin public) de son frère, suspect pour avoir accepté des fonctions publiques pendant l’occupation. En octobre 1795, nouvelles élections municipales : elles ramènent des mesures d’exception. Toutefois, les temps troublés, les consultations électorales réitérées engagent les gens à une sage neutralité.

 

LE DIRECTOIRE

 

            La Constitution de l’an III avait accordé grand pouvoir à la bourgeoisie rurale. À mesure que les événements se déroulent, chaotiques, les positions sont moins tranchées et s’effectue un amalgame entre « purs et modérés ». Villette est   encore là, quand le 18 janvier 1796, Poncin, ancien constituant, déclare : « La municipalité d’Escaudain va mal ». Traduisons : elle est plutôt « aristocrate ». cette année là, le maire fait bâtir une maison, toujours existante, rue Victor Hugo. Dans un mur de la cave, il scelle une pierre, disparue en 1914, dont l’une des faces représentait l’Aigle d’Autriche, l’autre portant cette inscription : « Villette, an 4 de la République ». La pierre datait de l’occupation autrichienne ; le maire « jacobin » s’en était servi pour marquer le triomphe de la Révolution. En 1796 aussi, Escaudain passe dans l’arrondissement de Douai. Les élections - encore - de 1797 conduisent de plus en plus les modérés au pouvoir. On fête de nouveau la dédicace, la ducasse de juillet. Mais, le 18 fructidor redonne l’autorité aux républicains. L’église est transformée en lieu de réunion, en magasin. Elle sera sauvée, en l’an VII, bien que « adjugée 113 000 au citoyen Beaumont de Douai ». Mais elle se délabra jusqu’au Concordat.

 

            En 1798, les jacobins reprennent quelque influence. On épure encore les municipalités, où demeurent ceux dont la « science » les rend indispensables à la collectivité. Consil poursuit sa carrière, Villette l’accompagne avec le concours de N. Jonas et d’un nouveau venu F. Dupont. En 1799, les scrutins sont plutôt favorables aux modérés. On marie les Escaudinois à Bouchain, dans la salle où se célèbrent les décades. Et le 18 brumaire est accepté par les citoyens lassés par tant d’années confuses.

 

            S’il fallait résumer l’histoire de l’administration révolutionnaire à Escaudain, on dirait que l’esprit jacobin y fut représenté par Villette, Ph. Rigaut, C. Dubois, Bisiau, Verniolle, P.G. Caulier, que Consil fut indispensable à toutes les tables édilitaires et, qu’à partir de la Constitution de l’An III on assista au mariage des tendances ou à la prédominance des modérés.

 

AU TEMPS DU CONSULAT ET DE L’ EMPIRE

 

            En 1800, P.J. Tréca est maire désigné par le Préfet. L’Abbé Milot reprend la cure en 1801. L’église est rouverte. À la fin du Consulat, elle est, avec le cimetière, propriété communale. Vers 1805, on édifie une chapelle sur la Place. En 1804, Escaudain a son percepteur-greffier : F. Dupont. Le village compte alors 145 maisons, 164 ménages.

 

            Le plan cadastral parcellaire de 1810 montre 166 bornes marquant l’enceinte de la commune : le n° 1 entre Erre et Hornaing. Quelques unes de ces bornes sont encore debout. Elles sont en grès, une face gravée aux lettres ECD, l’autre portant une petite crosse, ancien symbole de la propriété abbatiale de Saint Amand. On distingue sept fermes importantes. En 1810, les rues ne sont pas encore pavées. Les chemins sont larges : Hélesmes et Douai 25m, Neuville 20m. La rue Monjour (Danton) est tortueuse. La rue Victor Hugo s’appelle rue de l’Hôpital. La place couvre 80 ares. La rue de l’Église est la plus peuplée : 30 maisons contre 5 seulement rue Delfille (Paul Bert). Le salpêtre est précieusement récolté.

 

            En 1811, on construit un presbytère (habitation de l’école Sévigné). Le garde-champêtre est rétribué par la commune : 300 francs par an. À cette époque, des soupes sont distribuées aux indigents, les mendiants porteurs de passeports reçoivent 30 c par myriamètre. La betterave est timidement cultivée le long des principales routes. La pomme de terre est connue. Les deux tiers des habitations d’ Escaudain restent couvertes de chaume. Le chien et l’âne traînent de petites charrettes. Le conseil municipal est fort de 10 membres : aux renouvellements de 1808 et 1813, P.J. Tréca est confirmé maire. En 1814, Laderrière est vétérinaire sorti d’Alfort et le village abrite une brigade active de six douaniers.

 

            Le hasard des guerres donne une lointaine et anonyme sépulture à des « grognards » d’ Escaudain, qui offre, en outre, un héros à l’Empire : Ildephonse Tréca né en 1785, fils du mayeur. Entré aux Vélites de la Garde en1806, il fait la campagne de Prusse. Sous-lieutenant en 1803, il se signale en Catalogne. Chevalier de la Légion d’Honneur, il est blessé près de Barcelone en 1809. Deux chevaux sont tués sous lui en 1810. Lieutenant au 7ème Cuirassiers, il abat, bien que blessé, un général russe et fait prisonnier quatre officiers , qu’il présente à Napoléon, à qui, d’autre part, il annonce le succès de nos armées sur la Bérézina.  L’Empereur le nomme capitaine et lui remet personnellement la croix d’officier en 1813. Après la retraite de Russie, Tréca est à Hambourg. Il rallie Napoléon durant les Cent Jours et prend part à la charge légendaire du Mont Saint Jean. Il regagne ensuite son village où, suspect aux Bourbons, il attendra jusqu’en 1823 pour retrouver un emploi dans l’Armée. Mais il meurt à Escaudain cette même année, avant d’avoir pu rejoindre son poste. Son corps repose derrière l’actuel Monument aux Morts.

 

SOUS LA RESTAURATION

 

            Après Waterloo, une partie de nos troupes venant d’Avesnes passe dans la région. L’occupation commence à la fin de 1815 par des Hanovriens d’abord, des Danois ensuite. Certains soldats occupants logent sous des tentes entre Escaudain et Rœulx. La récolte de 1816 ayant été mauvaise, on voit des groupes de femmes et d’enfants errer de village en village. Le 15 octobre 1817, des troupes d’occupation sont passées en revue à Denain : il en vient de Saint Omer, qui traversent Escaudain. En novembre 1818, le contingent danois quitte le pays.

 

            En ce temps là, le sucre est encore rare, le sommier métallique inconnu. À cet égard, l’inventaire des biens meubles possédés par un riche fermier de la rue de l’Hôpital comprend entre autres : quatre chevaux, trois vaches, un chariot, une herse, un binois, un rouloir, un moulin à vanner le blé, un tournoir à battre le beurre, un miroir, un baromètre, vingt quatre chaises, dix assiettes en étain, dix plats et trois pots de même, un poêle et ses buses, des pincettes, une pelle à feu, un tisonnier et chenêt, un poêlon en cuivre, une marmite, une casserole, un chandelier de même, un pétrin, des ustensiles du four, six tonneaux à bière,…

 

            En 1829, la brigade de douaniers d’Escaudain comprend un lieutenant, un sous-lieutenant, des préposés. Des enfants abandonnés et portant des colliers avec numéros sont confiés à des femmes du village. Un facteur rural du Bureau de Bouchain est domicilié à Escaudain. Célestin Tréca est maire, depuis qu’il a succédé à, son oncle Pierre-Joseph décédé en 1816.

 

LA MONARCHIE DE JUILLET

 

            Les autorités municipales prêtent serment de fidélité au Roi. Un établissement de charité procure aux chômeurs, des travaux d’entretien des routes. Le cens électoral - en 1830 - descend de 300 francs à 200 francs : la majorité des Escaudinois ne peut, cependant voter. Une garde nationale est organisée. L’Abbé Rémy est curé, Godefroy garde-champêtre et Dupont, percepteur. Le courrier est acheminé ou distribué tous les deux jours, par le Bureau de Bouchain.

 

            En 1832, Escaudain groupe 1 130 habitants, dont 300 indigents et 20 mendiants. Le colza et le lin sont toujours cultivés. Une brasserie (ruelle Gambetta) et une briqueterie sont en activité, alors que le choléra fait 50 victimes. L’année 1833 voit l’ouverture de la Fosse de Saulx. En 1834, la sucrerie Gosselin (rue Victor Hugo) est inaugurée ; elle sera fermée vers 1898, après avoir été à l’origine de la création du chemin joignant la rue Camille Desmoulins à la rue Victor Hugo. Le curé est l’Abbé Lefebvre, 222 habitants sont gardes-nationaux, 110 électeurs municipaux. Hernequet est garde-champêtre en 1837.

 

            Le train « d’Anzin » passe à Escaudain en 1839. Le Barbier est le nouveau percepteur en 1840, cependant que Gosselin devient maire et que G. Baligand se distingue à un concours, en labourant 7 ares à 17 cm de profondeur en 1 heure 10. La route d’Hélesmes à Neuville, via rue Paul Bert, est toujours remplie d’ornières. Le 31 mai 1840, on inaugure la Chapelle aux Quatre Chemins : elle sera démolie en 1914-1918. C. Lehut, Chevalier de la Légion d’Honneur, est garde en 1841. Le Coron Jennings (Élise) est habité par des familles de mineurs. Ceux-ci gagnent de 60 à 70 francs par quinzaine, le kilogramme de viande valant un franc. Le peuple sympathise avec la nation polonaise opprimée : un Escaudinois prénomme son fils Venceslas Ladislas Stanislas. On constate les décès à domicile. Des enfants colportent du tabac de cantine. Le pavage des chemins préoccupe les autorités.

 

            En 1842, Escaudain est peuplé de 1 621 habitants. En 1843, Lourches et Escaudain, répétons-le, se partagent le territoire de Saulx : dès lors, notre village ne touche plus à l’Escaut. J.B. Cartigny est maire en 1844 et Pertuzon est nommé deuxième garde. La perception d’Escaudain (place Condorcet) a, dans son ressort, Abscon, Hélesmes, Lourches. En 1845, le Bureau de postes de Denain dessert Escaudain. En 1846, on trouve deux brasseries sur la Place, Cartigny et Laderriere. Herbez est garde-champêtre en 1847. L’indus-trialisation des années précédentes engendre la surproduction, génératrice de misère. Le kilogramme de pain passe de 0,52 franc à 0,65 franc en trois mois : 1848 est en vue.

 

LA SECONDE RÉPUBLIQUE

 

            Le 23 mars 1848, le maire est révoqué. P. Laderrière le remplace provisoirement, Leveugle étant vice-président. En avril, on plante un arbre de la Liberté, sur la Place de la République (Condorcet). Cartigny reprend ses fonctions de maire le 13 août. Il y a 450 électeurs et les ouvriers sont admis dans la garde nationale. Le 29 novembre, cette garde , le clergé et les habitants, réunis « place de l’Église », entendent la proclamation de la Constitution. Un Te Deum s’ensuit. En avril 1848, C. Dhénain est désigné comme garde. Les mineurs sont nombreux. En décembre, le docteur Démoutiez remplace, pour les indigents, le docteur Brabant. Les timbres font leur apparition à partir du 1er janvier 1849. Le 9 mars, un accident mortel survient à la Fosse de la rue d’Haveluy. Le 20 avril Mlle Belin est nommée institutrice au traitement annuel  de 200 francs, plus 150 francs pour le logement. On installe des briqueteries. En juin, sévit le choléra. En juillet, un supplément de traitement est accordé au curé, qui percevra alors 250 francs. En novembre, on décide que les enfants indigents iront à l’école, aux frais du Bureau de Bienfaisance.

 

            En 1850, on répare l’aqueduc sur la place. On vend la boue des abreuvoirs. Des ouvriers prestataires travaillent deux jours sur les chemins. Ceux-ci sont rétrécis en largeur et l’on vend les 134 parcelles devenues inutiles. En mai, on installe une chaudière à la Fosse de la rue d’Haveluy. En 1851, la chapelle élevée à l’emplacement du rond-point actuel, est abattue. Le 7 janvier 1852, on distribue pain et viande, en l’honneur de l’élection présidentielle. En 1852, le groupe communal (mairie et écoles) de la place est terminé.

 

L’ EXPLOITATION DE LA HOUILLE ET SES INCIDENCES

 

            Les premiers forages se font, sur notre territoire, en 1776. Des lettres patentes de 1787 approuvent la convention entre la Compagnie d’Anzin et l’Abbaye de Saint Amand , pour extraire la houille sur Escaudain. Mais, la Fosse Saint-Mark n°2 est de 1887. Le puits Jennings est en service de 1837 à 1861, la Fosse d’Escaudain (à l’emplacement des Usines Lempereur) de 1838 à 1855, Élise de 1851 à 1867, Rœulx de 1854 à 1938, d’Audiffret de 1880 à 1957, la Cuvette de 1886 à 1941 comme puits de secours et d’aérage.

 

            Au début, on n’élève point de terrils : avec les schistes, on remblaie les chemins. Le charbon est remonté dans des tonneaux cerclés. Les ouvriers descendent à l’échelle, les cages n’apparaissent que vers 1880. Les eaux sont épuisées grâce à des pompes mues par des manèges à chevaux. En 1830, le mineur porte veste et pantalon, simples et en toile blanche. Il chausse des sabots. Son chapeau a de larges bords. En 1900, ces derniers sont moins larges. La veste s’est transformée en blouse. Les pieds sont souvent nus.

 

            C’est à la houille qu’Escaudain doit son développement, sa poussée démographique, le bouleversement de son ancienne physionomie. En 1830, sur 1 038 hectares, 982 sont en terres labourables. S’activent un moulin à blé, onze mulquineries et plus de cent fermes. Presque toute la population vit de l’agriculture. En 1930, environ 650 hectares sont cultivés et il n’y a plus que 30 fermes. Entre ces pôles, notons : en 1851, sur 2 028 habitants, 1 043 sont tributaires de l’agriculture, soit  50 % ; en 1856, sur 2 112 habitants, 608 vivent du « sol », soit 29 % ; en 1861, le pourcentage est stationnaire (812 sur 2 635) ; en 1866, il s’abaisse à 21 % : sur 2 720 habitants, 1 302 sont redevables des mines, 585 des champs. La prédominance de l’activité industrielle ne va plus cesser de s’affirmer. Remarquons aussi que de nouveaux noms patronymiques sont venus, grâce à la houille, enrichir les registres d’État civil, depuis 1830, tels Parisse, Lempereur, Bizet, Wattelet, Lebon, Risbourg, Chotteau, Debay, Soleil, Brabant,…

 

 

LES ÉCOLES

 

            Avant 1789, Michau clerc cléricant tient une « école de charité ». en 1792, Consil aurait été le premier instituteur public. Vers 1803, Danglo ouvre une école mixte. Après l’ordonnance de 1816, C. Laude, briquetier intelligent, en dirige une, rue Verte (Barbès), de même que Largillier. Ces dernières sont privées, la Charte de Guizot (1833) n’étant suivie d’application que plus tard. H. Laude remplace son père et ne reçoit que les garçons. Les filles vont chez Augustine Laude avant 1843. Il n’y a de véritable école de filles qu’avec Mlle Belin, nommée institutrice communale le 1er juillet 1849.

 

            En 1852, les écoles de la Place (en face de la rue Victor Hugo) sont ouvertes : une pour garçons, une pour filles, une salle d’Asile. L’institutrice reçoit, de la commune, un traitement annuel de 600 francs. On a construit un puits fermé, divisé le grenier du personnel, installé un clocheton d’appel. Les élèves indigents sont reçus gratuitement. Les paysans sont soumis à un tarif : 1,25 franc par mois pour quatre disciplines. En 1878, il y a deux instituteurs-adjoints : MM. Léchevin et Mathieu. En 1881, ils sont trois : MM Potez, Rauwel, Lecocq, les deux adjointes étant Mlles Bavay et Richard. En 1883, les locaux de l’école de filles sont affectés à une école maternelle, qui ouvrira sous la direction de Mlle Wacal, suivi de Mlles Lemaire, Bussy, Gilleron.

 

            On avait commencé à construire l’école des garçons (rue F. Joly) en 1879. On crée une école enfantine à Saint-Mark en 1886. Après Mlle Belin, la direction de l’école des filles est confiée successivement à Mlles Deltour, Bricout, Bracava. En 1894, cette école (toujours sur la place) comprend trois classes dont une à l’étage. Chez les garçons, à H. Laude succède M. Villerval, puis M. Duhamel en 1898, alors que 260 élèves sont répartis en trois classes. Et viennent entre autres, MM Dauphin, Duez, Siefert, Bruyelle, Cagneaux, Ruelle, Rousseau.

 

            Actuellement, la carte scolaire d’Escaudain comporte des groupes au centre, au Quart de Six Heures, à Saint-Mark, aux Six Mariannes, à la cité du Maroc, près de la cité Schneider. Des instituteurs d’Escaudain sont morts au cours des guerres 1914 et 1939 : M. Cabut, R. Laurette devenu professeur, R. Simon.

 

VERS 1851

 

            On rétrécit les chemins . On abat les arbres le long de la route de Douai. On creuse 4 km de fossés dans le village. Le 16 septembre 1850, un incendie détruit six maisons, rue de l’Église et laisse 38 personnes sans abri. Le duc d’Arenberg accorde un secours de 150 francs. Des douaniers résident toujours à Escaudain. En novembre 1850, sur 871 inscrits, 165 électeurs prennent part au vote pour le remplacement de Wallon. En 1851, une douzaine de maisons, sur 363, ont un étage et une sur six est couverte de chaume. Résonnent trois forges, tournent deux moulins (le dernier né rue Ledru-Rollin), se louent 800 personnes pour les travaux de la terre. La lampe à pétrole est apparue. On rencontre deux boulangeries, deux brasseries. Le marchand de tabac officie sur la place, le marchand de moutarde, rue Monjour (Danton). On trouve des « cavaliers » de profession. Le médecin habite à l’entrée de la rue du Faubourg, qui compte aussi le tonnelier. La rue de l’Hôpital revendique les bourrelier, meunier, menuisier, marchand de lin et la Sucrerie. La rue Verte possède un revendeur italien : Rossi. Dans la rue de l’Église, on peut désigner un boucher, un géomètre, la grande ferme d’A. Cartigny. Tandis que le presbytère est sis rue Delfille (Paul Bert), de même que l’importante ferme de la veuve Tréca, l’actuelle maison curiale  est occupée par le percepteur.

 

            Des écarts sont peuplés : Saint-Mark, Corons Jennings, le Forage (chemin d’Abscon). Un gros propriétaire foncier, Deverdière, avocat, possède près de 100 hectares. D’autres terres appartiennent au Chevalier de Magny, au Baron Moracin, à Thieffry de Layens, Lepas de Beaulieu, Cordier de Raucourt, Chevrigny de Maingoval. Les rues sont encore larges : rue d’Abscon (entrée) 23 m, rue de la Gare 21 m, rue Delfille 20 m. On va à la pharmacie de Bouchain à pied. Le bétail se baigne ou se désaltère dans huit abreuvoirs dont sept publics : deux, rue de l’Église, les autres sur la place, rue Victor Hugo, place Blanqui, rue Camille Desmoulins, rue Jean Jaurès, à l’entrée de la rue Barbès.

 

 

 

LE SECOND EMPIRE

 

            Le 5 décembre 1852, on se réunit sur la place pour entendre la proclamation de l’Empire. L’ arbre de la Liberté, abattu, est distribué par morceaux aux pauvres. Le calvaire (route de Denain) est édifié en 1853.

 

            Le sonneur annonce la retraite tous les jours. Gratpanche est deuxième garde-champêtre. Le docteur Nutte remplace son confrère Démoutiez. La typhoïde sévit durement en 1854. On exige l’enlèvement des fumiers trouvés devant les maisons. Le curé est l’Abbé Tison. On installe deux nouvelles briqueteries, une fabrique de chicorée. On ouvre la verrerie de Saint-Mark.

 

            En 1855, 24 enfants meurent de la rougeole. Le nouveau tracé des chemins d’Haveluy et  d’Hornaing est réalisé et les rues ont maintenant une largeur convenable. Sur 21 conscrits, 14 ne savent pas signer. La ligne Somain-Busigny est en construction : elle sera exploitée le 15 janvier 1858. Le niveau des rues est relevé de 0,50 m, par remblais, en 1856, alors qu’on dénombre 398 maisons, dont 40 cabarets. Le 15 janvier 1858, est créée la société des sapeurs-pompiers. On fait 90 m de pavé en grès, au-delà de la Chapelle, vers Neuville. On se plaint de l’absence de « fils d’eau ».  En 1859, le docteur Copin est désigné comme médecin des pauvres.

 

            En 1860, P.H. Jonas est garde. Au début de 1861, les sentiers d’Abscon et de la Justice sont supprimés et l’on envisage l’ouverture du chemin réunissant les rues Victor Hugo et Desmoulins. La musique a pour chef Seconda. Escaudain groupe 2 635 habitants. En 1862,  le docteur Ch. Copin succède à A. Copin. C’est le temps où les ménagères font leurs emplettes à Bouchain, dont les marchandises sont moins chères. En 1863, Désespringalle devient garde. En 1867, souffle un violent ouragan. On s’achemine vers la guerre de 1870. Escaudain aura ses mobilisés, et aussi ses morts dont la plaque commémorative était dernièrement apposée sur une face de l’Église.

 

            Et vient la Troisième République en 1871.

 

DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

 

            Les débuts de la République sont marqués par des mouvements sociaux. Le 24 juillet 1872, les mineurs sont en grève : ceux d’Aniche, tentant de gagner Denain, sont refoulés sur Escaudain. En 1874, le maire est H. Cartigny. Les routes, de viabilité douteuse à l’intérieur du village, ne sont encore que chemins de chars souvent impraticables à la sortie. L’abreuvoir de la rue Marceau est amélioré en 1880. Le premier bureau de postes est créé en 1882, place Condorcet (dans le bâtiment de l’École ménagère). Il est tenu par un facteur-boîtier et deux distributions ont lieu chaque jour. En 1881, la population d’Escaudain s’élève à 3 633 habitants. La brasserie ouverte en 1855, rue Delfille, est toujours en activité. Le parcours Escaudain-Denain, par le train d’Anzin, coûte 30 c, aller-retour.

 

            La fête nationale est célébrée joyeusement, le 14 juillet 1883 : coups de canon, mâts de cocagne, jeux de brouette… La grève des mineurs dure 55 jours en 1884. La création d’un bureau télégraphique est sollicitée en 1885.  Le téléphone attendra 1912. Une chaufferette trône sur les tables des estaminets. On jette du sable sur le sol des maisons. On danse dans les deux salles de la ruelle Gambetta. En 1886, Denain est promu chef-lieu de canton. Le conseil municipal d’Escaudain, s’associant à la proposition d’un conseiller général, demande la création d’un département de l’Escaut ! En 1887, le docteur E. Copin est médecin des pauvres ; il aura pour successeurs MM. Dubus en 1892, Vanlaer en 1904, Richez en 1907, Rémy en 1911. La ligne Thiant-Lourches (par le Pont Tonneau) est utilisée le 10 août 1888.

 

            En 1891, un grand festival réunit 813 musiciens et 2 120 pompiers. Escaudain est fort, alors, de 3 877 habitants. Les premières bicyclettes apparaissent. Sont fondés, en 1898 la Société de Tir, en 1899 le premier Syndicat ouvrier (E. Lecat). En 1900, F. Dhénain est maire. Le Tsar Nicolas II passe aux Six Mariannes, dans un train blanc, en 1901. le chant des Escaudinois déclare, en ce temps là :

 

                                    Vive Escaudain, ce petit coin

                                    Non, non, je ne nie point que je suis d’Escaudain…

 

            En 1904, L. Nortier occupe le fauteuil du premier magistrat. A. Paris lui succèdera en 1908. L’inventaire  des biens de l’Église est fait en 1906. On voit les premières automobiles vers 1911. Le festival de 1913 attire 3 000 participants. M. Kirsch est garde. Rue du 4 septembre (Jean Jaurès), un « Bazar du gaspillage » accueille les chalands, cependant que, sur la grand-place, un « café-concert-cinéma » dispense ses distractions.

 

1914

 

            Le chemineau J. Malin hante parfois le village. Les troupes Caboche et Créteur le fréquentent quelquefois. Les enfants jouent à la « guiche ». Avant la ducasse du Rosaire, le rétameur ambulant s’établit sur la place. La gare est bordée de haies. Les écoliers fredonnent : « Gai, gai, l’écolier, demain les vacances… ». Le bureau des postes se trouve rue Paul Bert (mairie actuelle). Un charlatan-thaumaturge nous visite, de temps à autre. Certains étés, un pâtre promène ses chèvres dans les rues. Mais le 2 août 1914, la France mobilise.

 

            Quelques semaines plus tard, des dragons chassés par la retraite passent sur la route de Douai. Le 24 août, l’ennemi se manifeste en abandonnant des bicyclettes, à proximité des Six Mariannes. Le 25, un escadron d’uhlans cantonne dans le village. Et c’est l’occupation. MM. Duez, Duhem, l’Abbé Mériaux sont otages un moment. À la fin de 1914, des bons d’arrondissement - monnaie fiduciaire locale - sont émis. Les approvisionnements diminuent. Le pétrole manque, remplacé quelque temps par du carbure. On utilise le sel gemme.

 

            En avril 1915, le Comité hispano-américain fournit quelques vivres. Le magasin se tient grand-place. Toutefois, la ration de riz descendra vite de 100 à 30 g, celle de succédanés de café de 17 à 10 g. Le savon disparaît.

 

            En 1915-1916, Escaudain héberge des évacués d’Hulluch et Pont-à-Vendin. Il faut être muni d’un laissez-passer pour sortir du village. Les réquisitions se multiplient. Le pain est un magma noirâtre. Les chaussures font défaut. Sur la place est installé un « lazaret » pour chevaux malades. On perçoit le sourd grondement de la canonnade en Artois. En 1917, des Escaudinois de 15 à 55 ans sont forcés au travail en gare de Somain. Des déportés belges construisent le chemin de fer raccordant le Pont Tonneau aux Six Mariannes. Le 10 octobre 1918, les hommes valides qui restent sont dirigés vers la Belgique, tandis que sautent les installations des mines. Des environs de Lieu Saint Amand, les Britanniques envoient quelques obus sur la cité, dont les habitants vivent en cave. Le 18 octobre, deux femmes courageuses, C. Renard et L. Germain, vont en direction de Mastaing révéler aux troupes canadiennes, l’absence de tout ennemi sur notre sol. Elles hâtent, ainsi, la libération d’Escaudain. Puis, l’armistice sonne.

 

            Et c’est le retour des soldats, des mobilisés, où manquent près de 200 enfants du village, dont la liste figure sur le Monument aux Morts élevé d’abord contre l’ancienne école Michelet (sur la place) puis transporté dans la cour de l’église.

 

L’ ENTRE-DEUX GUERRES ET 1939

 

            En 1919, A. Hacquet est maire. La catastrophe de la Fosse Rœulx endeuille la commune en 1920 : 14 victimes. Sous la magistrature d’E. Rossy, l’ancienne Ferme de Saint Amand est transformée en jardin public et mairie. L’école de filles du Centre est construite en 1927, l’Hôtel des Postes est édifié. On crée le réseau d’eau potable en 1927-1928, on bâtit l’école maternelle, près de l’église. La fosse Saint-Mark avait reçu, en 1920, des installations modernes. Les lavoirs, en exercice dès 1909, avaient pris de l’extension en 1923. L’immigration polonaise avait enflé la population d’Escaudain, en 1925. On avait allumé les hauts fourneaux en juin 1926. La ville compte 2 500 maisons en 1929. Dès 1932, des autocars la sillonnent. En 1937, un groupe scolaire reçoit les élèves au Quart de Six Heures. 

 

            Fin août 1939, les mobilisables sont rappelés. Durant huit mois, c’est l’attente. En mai 1940, l’orage se déchaîne. La population fuit l’ennemi. C’est un lamentable exode. Les avions allemands bombardent les chemins encombrés de civils et de soldats en retraite. Le 18 mai, un train de réfugiés belges est atteint, en face des Lavoirs.

 

            L’Escaut est choisi pour stopper l’avance allemande. Le 20 mai, la 4ème D.I. prend position de Denain à Bouchain. Le 29ème Régiment d’artillerie se déploie en arrière, tandis que le poste de commandement se trouve à Escaudain, au « Trou Normand » notamment. De grosses pièces sont postées dans le jardin public et sur la place. Le commandant de Hauteclocque (futur Maréchal Leclerc) effectue  deux liaisons Bouchain-État-major à Wallers, par Escaudain, où il s’arrête, sans doute, un instant. Bouchain tombe le 26 mai. Des escarmouches se produisent à Escaudain, entre l’ennemi et le 14ème Régiment de Zouaves, dont quelques hommes auraient été provisoirement enterrés dans le jardin public. C’est l’invasion. C’est l’occupation semée de privations et aussi d’actes de résistance allant jusqu’au sacrifice suprême. Ainsi disparaissent, fusillés par les Allemands, Félicien Joly et Marcel Griffon.

 

            Enfin, le 2 septembre 1944, arrive l’heure de la libération. Auparavant, l’ennemi avait passé par les armes à Valenciennes (Rôleur) des détenus patriotes, dont Jeanne Boucher, agent de liaison d’un groupe de Résistance. Les vaincus défilent sur la route de Valenciennes. Dans la nuit du 1er au 2, des S.S.  avaient séjourné dans la ville… Une colonne d’automitrailleuses est arrêtée à Denain par les F.F.I. Elle rebrousse chemin en tirant et tue trois Escaudinois : P. Zamagna et les jeunes Lehut et Moriamez. Vers 15 h, des chars américains traversent notre cité en trombe : Escaudain est libre. Un comité, présidé par M.L. Dhénain, exerce les pouvoirs administratifs. Peu à peu, les prisonniers de guerre rentrent. La vie recouvre son cours normal, mais en l’absence d’une trentaine de valeureux concitoyens morts au combat ou en captivité.

 

APRÈS LA LIBÈRATION ET DE NOS JOURS

 

            En 1945, M. Moriamez est maire. Il sera confirmé   dans ses fonctions en 1947. Aux élections suivantes, M.Pintiau occupera sa place. La pénurie de main-d’œuvre entraîne une importante immigration étrangère et régionale, qui suscite l’implantation de nouvelles cités ouvrières, aux chemins d’Erre, d’Haveluy, de Lourches et rue Victor Hugo. Des maisons surgissent autour du terrain des sports. Des groupes scolaires  sont construits ; des travaux de voirie sont entrepris : le visage d’Escaudain se modifie encore. En 100 ans (1826-1926), Escaudain, « ville champignon », avait augmenté sa population de 900 %, puisque muée de 1 043 à 10 101 habitants. En 1954, ils étaient 11 726, les Escaudinois.

 

            En cette année 1954, un festival polarise 23 musiques, est construite une Salle de la Jeunesse, poursuivent leur fabrication les savonneries Lempereur fondées en 1909, subsistent une quinzaine de fermes, manifestent leur vitalité des sociétés, dont l’Harmonie, le cercle laïque né en 1913, deux associations d’Anciens combattants et prisonniers de guerre, la folklorique Harfa… En 1955, une succursale du Crédit du Nord prend pied à Escaudain et l’on commence à revêtir les rues de tarmacadam. En 1956, est frappée la Médaille de la Ville, due à M. France, 1er Grand Prix de Rome. On se prépare à l’assainissement de la ville et des cours complémentaires admettent les garçons. En 1957, la fosse d’Audiffret est fermée, un rond-point est aménagé sur la place. Sont inaugurées, une école de musique, des écoles aux Six Mariannes et à Schneider. En 1958, la Cité du Maroc est pourvue d’un groupe scolaire, une salle de sports s’ajoute au stade, un cinquième haut-fourneau, très puissant, st allumé au Quart de six heures.

 

            L’année 1959 livre à la circulation une nouvelle artère reliant les rues Zola et Danton. Elle voit disparaître les installations de surface de la fosse Rœulx, est maintenu M. Pintiau à la tête de l’administration municipale, cependant que le cimetière est agrandi et que les vieux bâtiments de la fosse Élise sont démolis. Tandis que le centenaire de l’Harmonie est fêté en 1960, que des Ateliers d’agglomération de minerais entrent en service, route de Douai, la Municipalité adopte un écu d’Escaudain comprenant le blason des Beaufort, qui furent seigneurs chez nous (canton dextre chef), les armoiries de l’Abbaye de Saint Amand (d’azur parsemé de lys d’or), celles de Dom Lernould , coiffant une porte de la Coopérative, et d’une Tour pour Meuble (canton senestre pointe). Après l’inauguration de la Salle des Sports au stade, en 1961, un bureau de Caisse d’épargne ouvre ses guichets en 1962, le Pont Tonneau s’efface devant un ouvrage en béton, le lotissement Philippe connaît ses premiers occupants, la ligne Somain-Busigny est électrifiée. Escaudain perd de plus en plus le caractère du vieux village qu’il fut. Mais, deux guerres l’ont attristé, Indochine (1946-1954), Algérie (1954-1962), qui coûtèrent la vie à une vingtaine des siens. Le recensement de 1962 accuse 11 705 habitants. En mars 1963 une grève dans les mines, commencée le 1er mars, dure 35 jours. La chapelle à la Cité de la Victoire est livrée aux fidèles. En 1964, on entreprend la restauration de la Tour, alors qu’on abat la gare « d’Anzin » qui datait de 1839, et qu’on ouvre une allée conduisant au jardin public en partant de la Place. En mars 1965, le conseil municipal est renouvelé : M. Pétillon devient maire.

 

            Ici, nous arrêterons ce mémoire. Peut-être un jour, selon Virgile, aura-t-il ses charmes. Forsan et hæc…